« YOGA, se soigner grâce à la yogathérapie »

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La rédaction, PUBLIÉ LE 09/01/2017, INREES.

 » Le Yoga est devenu une mode et reste souvent perçu comme une simple gymnastique du corps. Pourtant, nous autres Occidentaux sommes parfois loin d’imaginer qu’il peut aussi devenir une méthode de soin, dénommée Yogathérapie, servant de véritable complément aux médecines classiques. Enquête et témoignage.

En 2011, je me suis prêtée au jeu du cobaye pour les élèves en yogathérapie des professeurs Bernard Bouanchaud, créateur de la Viniyoga Fondation, et du Dr N. Chandrasekaran, médecin allopathe indien. Malgré le stress de se retrouver au centre de toutes les attentions pendant près de deux heures, au château de Bargemon dans le Var, cette expérience m’a fait prendre conscience d’une chose essentielle : je ne devais pas aborder mon état dans cette dualité « Je suis malade » – « Je ne suis pas malade ». A tout moment, je pouvais changer la donne. Ces deux yogathérapeutes, tous les deux formés par TKV Desikachar, fils de Krishnamacharya, fondateur du yoga actuel, m’ont proposé de suivre une pratique spécifique, en effectuant des réajustements réguliers.

Deux ans plus tôt, après que le rhumatologue ait posé le diagnostic de la spondylarthrite ankylosante, il m’a annoncé que cette maladie rhumatismale ne se soignait pas, au mieux, on pouvait en soulager les symptômes par la prise d’anti-inflammatoires à l’année. Une solution que j’ai vite évincée. Pour aller mieux, j’ai compris qu’il me fallait soigner mon corps physique mais pas seulement. Si les médicaments soulagent la douleur et diminuent les symptômes de la maladie, ils ne s’attaquent pas aux causes de souffrance. C’est ainsi que j’ai pris le chemin de la yogathérapie, combinée à d’autres méthodes de soin. 

Le yoga, une philosophie de vie favorisant la réalisation spirituelle

L’objectif primordial du yoga est de favoriser la réalisation spirituelle de l’individu et non pas de le soigner. Mais la maladie étant considérée comme un obstacle à l’évolution intérieure, il va s’y intéresser. Cette tradition millénaire a les outils physiques, physiologiques, voire psychologiques, pour soulager les « mal-aises » ou les « mal-a-dies » et retrouver un état « d’aise » ou de santé. 

Par la pratique des asanas (postures), des pranayamas (respirations) ou par la méditation, le yoga propose de se côtoyer intérieurement et d’évoluer vers davantage de lucidité sur soi-même et ce, à plusieurs niveaux. Tout d’abord d’un point de vue physique, il nous invite à prendre conscience de notre posture ; d’un point de vue physiologique, de l’état de nos principaux organes ; et enfin, d’un point de vue psychologique, de notre attitude mentale par rapport à notre environnement ainsi que des émotions qui nous traversent. L’idée est de pacifier l’ensemble, du plus grossier au plus subtil, en unifiant le mental, le souffle et le corps. « Le côté subtil du yoga intervient peu à peu à partir de la matière dense dont nous faisons partie. L’observation de notre corps et de nos réactions nous amène à faire un choix entre une attitude passée, souvent conventionnelle, et une nouvelle façon de voir les choses et d’agir.

C’est ainsi que la conscience du Soi s’élève à partir de la matière pour aller vers la conscience du Soi détaché de la matière » explique Martine Fritte, yogathérapeute de l’Institut français de yoga (IFY), à Vallauris.

Le yoga est bien plus qu’une discipline corporelle, il est un art de vivre à part entière. D’ailleurs, dans les Yoga-sûtras de Patanjali (dont on situe l’origine entre le IVe siècle avant JC et le IVe siècle après), livre fondateur, seuls 3 d’entre eux sur 195 sont consacrés à l’aspect physique ! Malheureusement – ou peut-être heureusement ! -, la plupart des Occidentaux l’abordent ainsi. Ce fut mon cas. Le corps m’a permis d’y voir plus clair en pointant des maux plus profonds. Tout d’abord source de souffrance, la maladie m’a permis d’emprunter un chemin, source d’évolution. 

Prise de conscience de l’outil mental et notion d’équilibre

Pour reconnaître son mental et ne pas s’identifier à lui, encore faut-il bien comprendre son fonctionnement. Bernard Bouanchaud, dans sa traduction des Yoga-sûtras, lui donne un sens très large. Il désigne le psychisme et l’intelligence, comprenant les pensées, les sentiments, les émotions, qu’ils soient conscients ou inconscients. Les activités et les fluctuations du mental entraînant des pensées inutiles, négatives, erronées, voire obsessionnelles, peuvent créer des souffrances, sources de déséquilibres et de pathologies physiques et psychiques. Pour vivre en harmonie et en paix, le mental doit être un outil au service de l’Etre et non le contraire. Il ne doit pas être le maître à bord, mais un simple serviteur, comme on le trouve très bien énoncé dans le Yoga-sûtra I 2 (Yoga-sûtra de Patanjali, Miroir de soi) : « Le yoga est la faculté de diriger les activités du psychisme. » A partir du moment où j’ai été capable d’opérer cette distinction entre les principes de conscience et du mental, la voie du discernement s’est ouverte. Le point de référence, la conscience, est immuable, au-delà du temps et de l’espace, alors que le mental, lui, est fluctuant. 

Le Yoga-sûtra amène à découvrir les 5 principes personnels (niyamas) : purification, contentement, discipline de vie, étude de soi par les textes sacrés et dévotion à l’Etre omniscient. Premier principe, réduire les toxines et favoriser la rectitude intellectuelle et morale. Le deuxième appelle au contentement. Grâce à un état de paix intérieure, je retiens le côté positif de ma vie. Le troisième est l’ascèse du juste milieu. Je veille à équilibrer les énergies pour éviter les excès préjudiciables à mon corps et à ma tête : nourriture, travail, activités physiques, loisirs, sommeil… Quatrième et avant-dernier principe, l’étude de soi par les textes sacrés. Enfin, la dévotion : en reconnaissant mes limites, je m’en remets à une force plus élevée, dans l’humilité la plus totale.

On voit aussi apparaître cette notion d’équilibre et de modération dans les cinq principes relationnels du yoga (yamas), qui sont par ordre d’importance : non violence, véracité, honnêteté, tempérance et non convoitise. Ces qualités sont requises dans la relation à l’autre et à soi-même. Ne pas faire souffrir autrui, avoir des relations harmonieuses, dire la vérité de manière agréable, ne pas gaspiller son énergie inutilement, respecter ce qui appartient à mon voisin, ne pas rechercher la possession de biens superflus… sont autant de principes à avoir pour mettre en place un cercle vertueux de pensées et d’actions. 

Une pratique personnalisée et régulière visant à l’autonomie

« La prise du pouls, qui requiert des années d’apprentissage, est un outil précieux qui permet d’avoir une idée de ce qu’il se passe à l’intérieur d’une maison sans y rentrer : humide, sec, aéré, renfermé, chaud, froid… En fonction de ces renseignements, toutes les postures s’imposent d’elles-mêmes et la séance se dessine. Forcément, avec cette technique, le yoga est individualisé et on ne peut plus se satisfaire de cours de groupe » explique Bernard Bouanchaud qui consacre une heure à son élève dans sa salle de yoga où il reçoit à Saint-Raphaël ou à Palaiseau, pour lui proposer une pratique personnalisée qu’il va esquisser sur un papier. La yogathérapie, qui a toujours existé dans la tradition du yoga, a pour but de favoriser le processus de guérison de l’individu ou de prévenir la maladie.

En utilisant les outils du yoga, la pratique s’est développée pour s’inscrire comme possible complément aux traitements médicaux. Celle-ci vise à réduire voire à faire disparaître un symptôme. En revanche, ce n’est jamais le symptôme qui détermine l’objectif, les stratégies et les moyens, mais l’homme, sa personnalité et sa situation. Lors d’une séance, les premières questions que posent le professeur à son élève sont : « De combien de temps disposez-vous pour pratiquer ? A quel moment de la journée ? Avez-vous des enfants ? De quel âge ? Quel métier faites-vous ? Quelles sont vos pathologies ? »

Dans la yogathérapie, comme en ayurvéda, en acupuncture ou en homéopathie, on s’adapte à l’individu avant tout.Sa méthodologie suit cet ordre : identifier le problème (nature, intensité, histoire familiale…) en lien ou pas avec un besoin, en trouver les causes, viser un objectif et choisir le moyen. « L’élève peut exprimer une demande et le professeur peut ressentir un besoin. Si les deux sont en adéquation, c’est facile. Sinon, il faut répondre à la demande tout en commençant à travailler sur le besoin… » précise Bernard Bouanchaud. Et d’ajouter : « En remontant dans le passé de l’élève, je recherche la cause prioritaire de la souffrance et je vise un seul et unique objectif en fonction d’elle. Sinon, je passe à côté. Evidemment, je veille à ne rien aggraver en parallèle. »

Pour que cela fonctionne, il faut bien sûr un engagement réciproque entre l’enseignant et l’élève. Le premier fixe au second des objectifs réalisables et plutôt rapides à obtenir dans le temps afin de pouvoir le féliciter et donc de lui faire gagner en confiance. Dans le yoga, il n’y a aucune notion de compétition ni de performance. En étant assidu et patient, grâce à une pratique adaptée, évolutive et régulièrement supervisée, les résultats sur la santé et le corps sont parfois stupéfiants. 

Un outil de transformation, source de guérison physique et psychique

S’il existe une approche psychologique dans la yogathérapie, elle est bien différente de celle que l’on connaît. Bernard Bouanchaud explique : « Prenons l’image d’une maison qui s’écroule à cause de ses fondations. L’approche occidentale va consister à les décaisser pour reconstruire dessus. Elle questionne le passé, en remontant jusqu’à l’enfance. Alors que dans le yoga, on ne va pas chercher à réparer les fondations, on les laisse telles quelles et on en reconstruit à côté de plus solides sur lesquelles on va bâtir une nouvelle maison. Le moment venu, on y déménagera. »

Les problèmes mécaniques sont les cas les plus fréquemment rencontrés par les yogathérapeutes et les mieux traités : douleurs chroniques du dos (lombalgies, cervicalgies, scolioses) et rachis. Puis viennent dans l’ordre : les problèmes respiratoires (asthme, bronchite), l’hypertension artérielle, les troubles fonctionnels gastriques, hépatiques et intestinaux, les migraines et enfin, les états dépressifs. Si cela dépend toujours de l’individu et du problème, le yoga peut très rapidement faire des miracles. « Un jour, j’ai proposé à une personne victime d’une lombalgie de faire la table à deux pieds (dvipâda pîtham : position en appui sur l’arrière de la tête, la nuque, les épaules, les bras et les pieds, abdomen relevé) huit à dix fois, en millimètrant ses mouvements. Elle a réussi à se décoincer sans l’intervention d’un ostéopathe. En fait, elle s’est manipulée toute seule grâce à la posture ! » raconte Bernard Bouanchaud. 

La yogathérapie se révèle particulièrement efficace sur les maladies chroniques résistant aux traitements classiques. Ce qui était mon cas mais aussi celui de Philippe. Ce représentant de commerce raconte : « Pendant 15 ans, victime de l’apnée du sommeil, j’étais obligé de dormir appareillé. Une vraie contrainte quand j’étais en déplacement ! En parallèle, j’étais traité pour une hypertension artérielle. Après quelque temps de pratique assidue de yoga, ma tension s’est réduite. Puis en l’intensifiant, ma respiration s’est améliorée, mon sommeil également, jusqu’à ne plus faire du tout d’apnée du sommeil. Je dors maintenant sans appareil. Je ne prends plus qu’un seul médicament. Et j’ai même perdu du poids ! » Suivi pendant deux ans, Philippe a pratiqué tous les jours le yoga, avec une progression du programme, tous les mois. 

Chez moi, les symptômes de la maladie dont j’étais atteinte ont complètement disparu, sans aucun traitement médicamenteux. « Sans cette prise en charge au quotidien par le yoga, vous ne vous en seriez jamais sorti ! », m’a confié le Dr Olivier Brocq, chef de service adjoint du service de rhumatologie, au centre hospitalier Princesse Grace, à Monaco. Pour lui, le fait que je devienne actrice de ma guérison a été déterminant dans la mise en sommeil de cette maladie. Je le crois sincèrement aussi. Depuis, je continue à pratiquer sans relâche, dans une visée préventive. Et j’ai même suivi une formation de professeur de yoga pour mieux appréhender la pratique et devenir encore plus autonome. »

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