Détails et précisions sur la médecine traditionnelle chinoise.

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PAR ERIK PIGANI, CASSIOPEE, 09-18

« C’est en septembre dernier que, pour la première fois en France, un service de médecine chinoise a été créé dans un hôpital, au sein du pôle Urgences du Centre hospitalier d’Alès. Même s’il existait, depuis 2016, un centre de Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) à l’hôpital Pitié Salpêtrière de Paris, il s’agit là de la toute première unité fonctionnelle intégrée à proposer des consultations en complément de la médecine conventionnelle. Et elles connaissent déjà un tel succès que les deux médecins spécialisés, les Dr Barrillon et Tatulli, ont dû demander l’ouverture d’une ligne téléphonique dédiée ! Belle occasion pour revoir, ou découvrir, les fonctions du Qi (aussi écrit « chi »), fondement de cette médecine holistique dont les premières traces écrites remontent à près de 3 000 ans. Et pour commencer sous de bonnes auspices la nouvelle année chinoise – année du Chien de Terre –, qui s’ouvre le 16 février…

L’énergie est le fondement de la vie en médecine chinoise.

Y a-t-il une différence entre manger une tomate en été et manger une tomate en hiver ? Oui ! Selon les médecins chinois, un geste aussi simple que de choisir les bonnes choses au bon moment est même fondamental pour notre santé. Pour eux, tout tient en un mot : « Qi », l’énergie. La tomate, on le sait, pousse naturellement en été. Pour devenir un beau fruit bien rouge, elle se gorge de soleil. Mais pas seulement : elle emmagasine le Qi fort de cette saison où toute la nature éclate de vie. Aussi, manger une tomate en été c’est profiter, bien sûr, de son potentiel nutritionnel, mais aussi de l’énergie qu’elle a pu capter et dont notre corps a autant besoin que des vitamines… En revanche, une tomate d’hiver poussée en serre n’aura pas la même énergie. Et, surtout, notre organisme aura plutôt besoin du Qi d’un légume d’hiver, le céleri par exemple.

Pour les Chinois, le Qi est le fondement de toute vie. Imaginez notre univers avant le big bang : une boule d’énergie microscopique et infinie à la fois, matérielle et immatérielle, un concentré de vie qui porte en lui le germe de toute chose passée et à venir… C’est le Tao, la « Mère du monde », le principe qui engendre tout ce qui existe. Puis, le Tao (qui signifie aussi « le chemin, la Voie »), devient deux – le yin et le yang. Puis, le yin et la yang donnent naissance au Qi, l’« énergie primordiale », le « souffle de vie » présent partout, dans les êtres animés comme dans les choses inanimées. Lorsqu’il est fluide et harmonieux, c’est la bonne santé physique et morale ; bloqué et déséquilibré, c’est la maladie et la dépression.

En chacun de nous, circulent essentiellement cinq formes de Qi. Elles ont chacune une fonction physiologique :

  • Le Qi originel (Yuan Qi) : il vient de nos parents. Il est stocké dans les reins et circule dans tout le corps.
  • Le Qi fondamental (Zong Qi) : il vient de l’alimentation et de la respiration. Il est stocké dans les poumons et se diffuse dans tout le corps.
  • Le Qi central (Zhong Qi) : lié aux fonctions de l’estomac et de la rate, il transporte et transforme l’alimentation.
  • Le Qi nourricier (Ying Qi) : il circule uniquement dans les vaisseaux sanguins et accompagne le sang.
  • Le Qi défensif (Wei Qi) : il vient du rein pour réchauffer et défendre l’organisme.

Cependant, les formes du Qi peuvent se multiplier à l’infini : Qing Qi pour le « Qi de l’air », Xian Tian Zhi Qi pour le « Qi congénital », etc.

Voilà donc le fondement de la médecine chinoise – et des différentes techniques qui la composent : acupuncture, massage, diététique, phytothérapie, Qi gong… qui, chacune à leur façon, agissent sur le flux du Qi pour l’harmoniser, le débloquer, le dynamiser…

Yin et yang : trouver sa propre énergie.

« Celui qui connaît la virilité, mais contient la féminité, deviendra un bassin où s’accumule toute la force du monde », disait Lao-Tseu… Selon la médecine chinoise, notre énergie personnelle se manifeste d’abord en chacun de nous sous la forme de deux forces à la fois complémentaires et opposées. C’est le fameux principe yin yang. Yin, c’est le féminin ; yang, le masculin. Mais pas seulement : yin est aussi le sombre, le froid, le profond, l’intériorité, le vide ; yang le clair, le chaud, l’été, l’extérieur, le plein… Mais attention : l’un ne fonctionne jamais sans l’autre, et chacun d’eux contient en lui le germe de l’autre. Autrement dit, chaque homme, aussi viril soit-il, a toujours une part de féminin, comme chaque femme a sa part de yang. Par exemple, pour un médecin chinois, si une femme est stérile, c’est parce qu’elle est “yin-yin”, il lui manque la graine de yang qui lui permettra de donner la vie.

Pour se sentir bien, autant dans sa tête que dans son corps, la première règle est donc de commencer par trouver, en soi-même, l’équilibre de ces deux forces changeantes qui régissent chaque instant de notre vie.

L’acupuncture pour équilibrer le yin et le yang.

En plantant des aiguilles sur des points spécifiques, l’acupuncteur a pour mission d’harmoniser le flux du Qi dans l’organisme et notre équilibre yin-yang. Mission délicate, en effet, car il doit connaître l’emplacement précis des 618 points d’acupuncture répartis de façon symétrique de chaque côté du corps sur les 12 méridiens qui relient les points entre eux. Et ce n’est pas tout : il doit aussi connaître les 52 points répartis sur deux méridiens dits « extraordinaires » (ils contrôlent les méridiens normaux), et 48 points placés en dehors des méridiens, utilisés uniquement dans le traitement spécifique de certaines maladies ! Cela dit, les acupuncteurs n’utilisent généralement qu’entre une cinquantaine et une centaine de points essentiels dans la vie courante.
Malgré la complexité de cette constellation, le principe est simple : L’aiguille d’acupuncture sert à disperser le Qi lorsqu’il est bloqué. Où il y a blocage, il y a douleur. Vous pouvez faire l’expérience vous-même : appuyez avec un doigt sur n’importe quel endroit de votre bras ou de votre jambe. Si vous ne ressentez rien de particulier, tout va bien. Si, en recommençant l’opération à d’autres endroits, et que tout à coup vous avez mal, c’est que l’énergie ne passe pas. Vous êtes forcément tombé sur un point d’acupuncture.

Pour rétablir l’équilibre yin-yang, l’acupuncteur peut aussi utiliser une autre technique : la moxibustion. Il place un petit cône d’armoise (le « moxa ») sur une fine tranche de gingembre frais, juste à l’emplacement d’un point « froid » d’acupuncture. Une fois le moxa enflammé, il produit de la chaleur qui expulse le yin (le « froid ») et tonifie le yang (le « chaud »).

Les méridiens, réseau énergétique en médecine chinoise.


Imaginez un grand réseau hydraulique conçu pour irriguer le plus parfaitement un vaste terrain : des canaux principaux, des dérivations, des canaux secondaires, des bassins, des points d’eau, des pompes et des écluses. Un manque d’eau dans une partie du champ, et les pompes se mettent en action. Un trop-plein d’eau dans une autre partie, et une écluse s’ouvre…

Voilà de manière imagée comment fonctionnent les méridiens d’acupuncture dans le corps humain : un réseau complexe constitué de 12 méridiens « réguliers », 8 méridiens « extraordinaires », 12 méridiens « distincts », 15 méridiens « collatéraux », et une quantité de petits méridiens annexes qui font circuler le Qi. Or, une bonne circulation est signe de bonne santé… physique et morale – car pour la médecine chinoise, le physique et le moral, et donc le corps et l’esprit, sont indissociablement liés.

Lorsque le Qi reste bloqué à une intersection, lorsqu’il est en excès ou en manque dans tel ou tel méridien, c’est un signe de maladie. Aussi, à l’instar d’un médecin occidental qui tient compte de la circulation sanguine pour faire son diagnostic, un médecin chinois se repère à la circulation du Qi.

Les 12 méridiens réguliers se dédoublent symétriquement de chaque côté du corps – on en compte donc 24 – qui parcourent notre organisme selon un itinéraire bien précis, et servent de liaison entre les organes, les viscères, les tissus. Chacun d’eux est associé à une fonction : digestion, respiration, assimilation… C’est pourquoi, pour plus de simplicité, on leur a donné le nom correspondant à « leur » organe : méridien du foie, méridien du cœur, méridien du gros intestin, méridien de la rate…

La théorie des méridiens est très complexe, et peu reconnue par la médecine occidentale, car ces « canaux d’énergie » restent invisibles à l’œil de la science. Mais pas à celui des acupuncteurs chinois, qui affirment pouvoir ressentir le flux du Qi au bout de leurs doigts…

Du Qi jusqu’au bout des doigts.

Largement pratiqué dans les hôpitaux en Chine, le massage est considéré comme une médecine à part entière. Raison : en guidant le Qi le long des méridiens tout en appuyant sur des points d’acupuncture précis, le thérapeute peut traiter toutes sortes de maladies. Et, disent les spécialistes, un thérapeute expérimenté est non seulement capable de sentir le flux de l’énergie au bout de ses doigts, mais aussi de le voir !

Bien sûr, appuyer avec le bout d’un doigt sur un point semble moins précis que de planter une aiguille. Pourtant, cette technique, réputée pour renforcer le système immunitaire, a deux avantages: le premier, la relation humaine. Le contact des mains, doux au début, pour faire le diagnostic, plus insistant ensuite, et la présence attentive du praticien est toujours un facteur de bien-être.

Le second : les Chinois ont développé une véritable science du massage en famille et de l’automassage. Ce qui est impossible, pour un néophyte, avec l’acupuncture. Il existe ainsi des dizaines de gestes simples qui permettent d’harmoniser l’énergie, d’équilibrer votre yin, de faire circuler le Qi le long des bras, des jambes ou sur la tête pour soulager les céphalées, apaiser l’esprit, mieux digérer, faire baisser la fièvre… En somme, même si, de temps en temps, vous massez spontanément votre bras parce que vous sentez un point douloureux, vous faites circuler le Qi.

La notion du Qi est si importante que, pour les Chinois, lorsqu’un vélo est cassé, ils disent que le Qi du vélo est mort ! Pourtant, ce « souffle vital », qui peut être comparé au prana de la philosophie indienne, n’a pas d’équivalent en Occident, si ce n’est que le pneûma (le « souffle ») des Grecs et le spiritus (le « souffle », « l’inspiration spirituelle ») des Latins. Ce qui n’empêche pas les Occidentaux de s’intéresser de plus en plus, voire d’adhérer, à cette vision millénaire de la santé et des fondements de la vie, non seulement avec la Médecine traditionnelle chinoise, mais aussi avec les nouveaux courants des médecines vibratoires ou de la médecine quantique, fondées sur l’existence réelle du Qi et d’un modèle qui relie le corps, l’esprit et l’âme. Et donc est susceptible de donner un sens à la vie… »

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